Après un hiver passé au chaud (et à sec) sur notre chantier adoré préféré (l’inégalable Navi-Bois), Zanzibar a retrouvé son élément au printemps. Quelques longs mois consacrés à terminer … tout ce que nous n’avions pas eu le temps (ni les sous !) de faire avant de partir pour notre long périple, et dont nous rêvions ! Il n’est jamais trop tard…
Des week-ends, des soirées et des vacances de fous, à un rythme effréné qui n’était pas sans nous rappeler quelques bons vieux souvenirs (surtout pour le capitaine, que j’ai souvent du abandonner, révision de concours oblige….) ! Une nouvelle préparation minutieuse au grand voyage, pour que notre bô bateau soit paré à emporter sur les flots la joyeuse tribu qui le loue à partir du 1er aout, et qui vient de larguer les amarres pour une boucle atlantique (effet Bleu2M !).
Une année d’atterrissage plutôt fatigante ! Pleine de joies, de stress, de rebondissements. Des moments sympathiques et conviviaux (à exploiter sympathiquement et convivialement les gentils copains), des moments difficiles (Juliette éjectée du trampoline sur les caillasses du chantier : seulement 7 points de suture, un miracle), des soucis techniques et des soucis logistiques et des soucis tout court, des idées et des solutions (merci Guillaume !), des moments d’énervement et de découragement… mais finalement aussi beaucoup de moments très heureux à bricoler tous ensemble sur le bateau, comme avant !
Avant d’abandonner notre Zanzibar à son nouvel équipage, et de tourner la page sur 4 années d’un projet qui nous a porté bien plus loin que ce que nous avions imaginé, nous nous sommes accordés de très chouettes vacances sur l’eau ! Fallait bien tester tous les nouveaux trucs… Direction la Corse ! Et comme 3 enfants c’est un peu léger côté ambiance, Ugo est venu consolider les rangs pour qu’on rigole vraiment un dernier bon coup !
16-17 juillet 2013 – Traversée
230 (ou 240 ? on va pas chipoter) miles nautiques séparent Sète de Calvi. Que nous avons décidé de faire d’une traite pour profiter le plus vite possible de la Corse et rattraper un peu de notre « retard ». La météo est clémente, voire même un peu trop… Peu de vent annoncé et une mer belle qui devrait permettre de ré-amariner l’équipage en douceur.
C’est toujours avec émotion que nous passons les ponts, au terme d’une éternelle course contre la montre. Une heure avant de quitter le ponton de Navi-Bois, on finissait les derniers branchements du déssal… Une délégation pérolienne de haut vol apparaît sur les quais pour nous tenir compagnie en attendant l’ouverture des ponts vers la mer. C’est ça, quand on emporte loin de leurs belles (ou de leur mère !) de beaux et gentils garçons…
Une fois en mer, nous restons quelques heures sous l’influence des orages qui commencent à éclater sur la côte : remise en jambe rapide et sportive. Et que je déroule le génois, et que je roule le génois, et que je déroule le gennak (YYEEEESSSSSSSSSSS !), et que je roule le gennak, et que je déroule le génois, et que je roule le génois, et que je prends un ris, et que je déroule le génois, et que je roule le génois, et que je lâche un ris…. etc. Et puis le calme revient, et malheureusement le moteur aussi…
18 juillet 2013 – Calvi
Atterrissage en douceur face à la jolie plage de Calvi, ses pins parasols et les cabanes en bois d’un club de vacances. Baignade pour tout l’équipage ! Et beer time à terre pour les grands. L’heure d’un petit bilan après ces 230 premiers nautiques.
Au retour de notre périple, nous étions étonnés (et un peu déprimés !) d’avoir repris si vite notre vie de terriens. Nous réalisons ce soir avec bonheur que l’inverse se vérifie ! Nous avons retrouvé intactes toutes les sensations du voyage, les émotions, les réflexes, les petites et grandes habitudes. Tout est là, à fleur de peau. Il suffit de partir et hop, la magie opère ! Trop bien. Ca nous aidera à passer l’hiver…
19 juillet 2013 – Revelata
Balade à terre et visite de la citadelle. On rejoint Calvi avec l’annexe, ce qui constitue déjà une belle expédition. Et Marin qui chante Bénabar : « même serrés à 6 dans une petite annexe, j’ échangerais pas ma place, même si on va dans l’mur ».
Première visite obligatoire aux deux shipchandlers du port (adorables), puis nous déambulons au hasard du dédale de ruelles ombragées. On monte, on descend, on remonte, on admire les terrasses envahies de bougainvillés, l’oratoire de Saint François, la vue depuis les remparts, notre Zanzibar au loin. Marin chante de moins en moins et a de plus en plus de fièvre. Zut de zut.
Nous terminons notre pérégrination par une bonne assiette de pâtes fraiches à la Main à la Pâte (nourriture très locale…), puis un avitaillement léger et quelques spécialités de charcuterie corse (quand même !).
Sur notre élan, nous partons pour rejoindre l’anse de la Revelata, à quelques miles au Sud Ouest de Calvi. Nous nous glissons tout près du bord, mais l’ancre a du mal à crocher sur les fonds de posidonie et de cailloux. Elle est couchée sur le côté et le mouillage est encore un peu trop encombré de petites embarcations pour qu’on s’amuse à manœuvrer comme on voudrait. Finalement, Théophile plonge pour aller faire le boulot, à quelques 6-7 mètres de profondeur : remettre l’ancre dans le bon sens et commencer à l’enfoncer. Il s’acquitte de sa mission avec brio., preuve qu’il n’avale pas tout ce Nutela pour rien, finalement…
A la nuit tombée, nous ne sommes plus que 3-4 voiliers pour nous partager la vue imprenable sur la citadelle illuminée et la tranquillité de ce mouillage de rêve. Sauf que Marin a quand même plus de 39°C de fièvre. C’est bof bof.
20 juillet 2013 – Revelata – Girolata. Journée pèlerinage.
Nous quittons le mouillage tranquille de Revelata en direction du sud et avançons tranquillement en rasant les cailloux. Toujours pas assez de vent pour naviguer qu’à la voile et le ronron du moteur gâche un peu les sensations.
Nous nous arrêtons pour quelques heures dans la partie nord de la réserve de Scandola, à la Punta Nera. Seuls au monde dans cette petite crique idyllique, nous nous y installerions bien pour quelques années…
Nous reprenons notre route, les yeux rivés aux falaises et aux rochers de Scandola, guettant les aigles pêcheurs dont on a aperçu quelques nids haut perchés. Mais ils doivent faire la sieste à l’ombre… Tout comme les dauphins, qui restent invisibles. Pfff…
Nous arrivons à Girolata en fin d’après-midi. 25 ans après, notre petit pèlerinage prend une méchante claque ! La petite anse de Girolata est devenue … un port. Nous hésitons même à prendre la bouée réservée le matin même. Mais le marinero accepte de nous placer à l’extrême sud du mouillage organisé. Nous n’aurons pas de voisin ni à bâbord ni à l’arrière et pourrons profiter d’une vue imprenable sur le flanc sauvage et préservé des collines environnantes.
Marin, dont la fièvre commence à tomber, rêve d’aller diner à la terrasse du Bon Espoir, tout en haut du hameau et qui surplombe le port. Force est de reconnaître que c’est très beau (même avec tous ces bateaux en contre-bas) et aussi très bon ! Nous en profitons pour fêter tous les bons résultats scolaires des uns et des autres (3 passages, 1 mention, 1 admissibilité….).
Parce que cela va assez immanquablement avec ce genre de concentration nautique, nous n’échappons évidemment pas au yacht rempli de décérébrés et de « piches », qui braillent comme des tâches jusqu’à une heure très avancée de la nuit. Vulgaires, pas éduqués, pathétiques, et qui se trouvent tellement spirituels… Je crois qu’on vieillit. Parce qu’il y a 25 ans, j’en connais 2-3 qui avaient aussi une certaine propension à chanter au mouillage, et à faire la fiesta avec les bateaux alentour…
21 juillet 2013 – Girolata – Cap Muro
Pas le temps de s’attarder à Girolata. Après quelques brasses matinales, nous reprenons notre route en direction des Iles Sanguinaires, que nous croisons sans nous arrêter. Les enfants veulent avancer un peu plus au sud et avoir du temps pour barboter une fois arrivés.
Passé le Cap Muro, des petits mouillages peu abrités émaillent la côte rocheuse en remontant au nord-est du phare, jusqu’à la plage de la cala d’Orzu, que nous préférons éviter. Quelques rares voiliers y sont déjà à l’ancre. Nous avisons un petit rond d’eau turquoise à l’écart, avec un bateau à moteur planté au milieu mais qui part pendant que nous approchons doucement pour repérer les fonds et les roches affleurantes. Youpi !! Encore seuls au monde !
Ugo ayant une aversion prononcée des algues (et je ne peux pas lui jeter la pierre… même que ça m’arrange), nous jouons avec le vent capricieux qui descend du flanc de la colline pour positionner Zanzibar pile-poil au dessus du sable blanc. Ca occupe. Et ça marche !
Baignade, pêche (enfin… plutôt mumuse avec les poissons) et découverte du littoral en canoë. Juliette, en passe de devenir la reine de la pagaie, trouve que ça ressemble beaucoup à une maquette des Baths, aux Iles Vierges Britanniques !
22 juillet 2013 – Cap Muro – Bonifacio
Nous poursuivons notre navigation vers le sud. Départ au petit matin en direction de Bonifacio. Encore beaucoup de moteur pour compenser le manque de vent, sauf dans les Bouches où un bel effet venturi fait grimper l’anémomètre en flèche.
L’arrivée sur les falaises de Bonifacio est toujours aussi grandiose et impressionnante. Nous entrons dans le goulet en début d’après-midi et nous amusons comme des petits fous pour nous amarrer aux pendilles de la cala Caleta, avec des rafales à plus de 20 nœuds qui s’engouffrent dans la calanque et ne facilitent pas vraiment la manœuvre… Théo et Ugo sont épatants d’inefficacité à bord de l’annexe, bataillant avec les pendilles et autres amarres vieillottes. Le boulot les amuse néanmoins suffisamment pour qu’ils s’improvisent marineros auprès des autres bateaux, une fois Zanzibar bien rangé contre la falaise. . D’autant qu’avec les autres capitaines ils passent forcément pour de « trop gentils jeunes gens tellement mignons » ! Tout est question de point de vue.. Les autres ne les ont pas à table, tout est là.
La vue sur la cité est magnifique. Nous partons à l’ascension de la citadelle (c’est haut !! ou c’est le bateau qui est bas ??) et allons admirer la mer depuis le haut des falaises, avant d’assurer un avitaillement conséquent pour la fin de notre périple. Pause glace sur le port pour les enfants avant de reprendre l’annexe pour rejoindre notre Zanzibar, en zigzaguant tant bien que mal entre les grosses vagues d’étrave soulevées par les yachts et les bateaux de promenade qui empruntent le même chenal. Nous nous sentons tout petits, et très vite mouillés !
Départ demain matin pour les îles Lavezzi, dernière escale corse de notre voyage.