Convoyage transatlantique

Côté paperasse administrative :

Il faut s’assurer que le bateau est en règle vis à vis des douanes et des affaires maritimes, effectuer les démarches de francisation et de changement de nom, vérifier qu’il n’y a pas d’hypothèque (demande officielle + chèque de 0,75 euros). Tout pareil qu’en métropole, mais en plus lent et en plus  loin. Avec le flou administratif qui nous caractérise, tout le dossier est scanné et part in extremis avec un des équipiers, tandis que les originaux sont envoyés par Chronopost (60 euros !). A prévoir (qu’on n’a pas prévu…) : pouvoir signé au skipper pour récupérer les documents, régularisation de la taxe annuelle de navigation (échéance au 1 avril), courrier pour le changement de nom du navire (en plus de l’avoir stipulé sur la demande d’immat), fiche plaisance (plus demandée depuis 3 ans en métropole, mais bon…). Finalement les copies scannées sont acceptées, le chronopost qui arrive quelques heures après le passage au bureau des douanes ne servira à rien … Le reste est envoyé à l’arrache par fax (pauvre gentille dame des douanes qui finit par avoir pitié de notre incompétence…) mais on promet (et on tient parole !) d’envoyer tous les originaux par courrier.

Quand tout est ok avec les douanes, il faut s’attaquer aux affaires maritimes… Et là c’est pas simple non plus. D’autant qu’il apparait que l’ancien propriétaire n’a pas fait les démarches nécessaires quand il a lui même acheté le bateau, qui est donc toujours enregistré à Fort de France, et pas au bon nom…  Mais comme les infos ne circulent pas entre les douanes et les aff mar. , il faudra 4 jours à Marc, le copain qui nous skippe le bateau, pour régler l’histoire…

Côté technique :

En quelques jours il va falloir équiper le bateau pour une transat, alors qu’on avait prévu de s’y consacrer tranquillement pendant des mois… Ce n’est pas tout à fait la même organisation qu’un convoyage depuis Marseille ! Le bateau doit être dans un parfait état de navigation (changement du trampoline, carénage-anti fouling, changement feux de nav et de mouillage, changement silent-block et joints d’embase sur les moteurs, révision du génois, changement des drisses, écoutes et éléments d’accastillage fatigués ..etc), on doit penser à l’électronique complémentaire (VHF AIS, balise de tracking, radome, …etc), constituer une pharmacie de bord, et trouver une nouvelle survie. On n’y avait pas vraiment réfléchit en ces termes ! Alain (Bleu 2 M) et Marco nous aident beaucoup. Un maximum d’éléments sont rassemblés (d’un peu partout !) et emportés par l’équipage. Le problème majeur reste quand même la survie : excessivement chère (et rare !) aux Antilles, on essaie en vain d’en faire acheminer une depuis la métropole. Trop cher, trop long, trop compliqué en terme de règlementation sur le transport des marchandises dangereuses : les infos sont trop vagues pour qu’on prenne le moindre risque de se retrouver sans radeau au moment de convoyer le bateau. Avec plus de temps, l’idée aurait pu être développée.

Une fois sur le bateau, l’équipage réalise que les travaux à réaliser et les délais ont été largement sous-évalués (le vendeur manque forcément d’objectivité, persuadé d’avoir un bateau nickel, et l’expert ne regarde pas si les durites d’eau sont poreuses et autres détails pratiques…). D’une semaine prévue, il en faudra finalement 2 et quelques en préparation (lenteur antillaise, problème d’acheminement des pièces, « petits » soucis techniques qui viennent perturber l’avancée des travaux…) ! Avec le recul, il aurait été judicieux qu’Alain fasse le voyage avec Manu pour voir le bateau et évaluer l’ampleur des « bricoles » à régler, et même que Marc parte quelques jours avant les équipiers pour faire son check complet et déterminer ce qui manquait et pouvait être apporté de métropole.

Pour le prochain, on sera d’une redoutable efficacité (et moins stressés !).

Côté humain :

L’aventure prend une autre dimension. Nous faisons appel à toutes les bonnes volontés pour relever le défi de la montre. Et toutes ces bonnes volontés nous suivent et nous soutiennent : les papy-mamies, propulsés aides de camp et coursiers, les copains des Antilles,  appelés à la rescousse pour la survie et l’accastillage, les copains d’ici, qui nous dorlotent pendant ces quelques semaines difficiles. L’équipage est un relais important. Il nous fait vivre les évènements avec beaucoup de compréhension : skype et webcam (merci le wifi du café d’en face !) nous permettent de partager vraiment  ces journées compliquées. Les enfants « visitent » le bateau, on suit la progression de la préparation, on s’énerve avec eux de la nonchalence antillaise, on est heureux avec eux quand une étape est franchie. On profite du décalage horaire pour y consacrer nos soirées : nous débriefons, brainstormons, soumettons, décidons, râlons, rigolons…

Côté nerfs :

Solution particulièrement éprouvante. Mais cette intensité rend le projet encore plus présent. Ca n’en finit jamais. Tous les jours un imprévu vient perturber le déroulement des opérations, souvent un contre-temps qui nous fait reculer d’un pas quand on a péniblement avancé de 2. Après 10 jours de marathon pour rassembler tout le matériel nécessaire avant le départ de l’équipage,  ils sont enfin partis pour la Guadeloupe et on pensait souffler un grand coup. Mais on a eu peur qu’ils ratent l’avion, qu’ils aient oublié des papiers, la balise et je ne sais quoi encore. Ils sont arrivés sans aucun problème. Alors on a eu peur que les travaux soient plus longs que prévu, que les pièces n’arrivent pas dans les délais annoncés, qu’ils ne s’en sortent pas avec un truc, qu’ils ne trouvent pas de radeau de survie… et j’en passe.  Cette fois on a eu plutôt raison. Puis ils ont largué les amarres et là tout est devenu plus léger. Enfin. On a alors passé nos soirées à angoisser sur les fichiers grib… et nous entrainer avec beaucoup d’assiduité au routage. N’empêche qu’on a trouvé le temps drôlement long…