30 novembre – 07 décembre 2011 – Sao Vincente

Nous quittons Tarrafal, toujours en compagnie du Bubu, avec une mer d’huile et juste un souffle d’air. Nickel pour avancer le cned : la série n° 3 d’évaluations, pas commencée, doit arriver avant-hier à la correction… Serions nous légèrement en retard ?

Marin investit le cockpit, nous nous installons sur le trampoline avec Théophile et Juliette. Que la vie est belle. On voit même une baleine ! (qui s’avère finalement être une petite barque de pêche… mais chut, faut pas le dire). Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes , nous nous approchons tranquillement de la pointe ouest de Sao Nicolao. Quand soudain….. Sans crier gare, l’évaluation de Marin s’envole dans les airs et prend la poudre d’escampette : n’écoutant que son courage, il s’éjecte d’un bond du cockpit et la sauve in extremis, au ras des filières. Dans le même temps, une jolie vague vient s’écraser avec fracas sur le livret d’éducation civile et morale de Juliette. Le temps de lever le nez, nous avons 30 nœuds de vent de travers et des vagues énormes !  Je me colle les bouquins sous un bras, Juju sous l’autre, ne quitte pas des yeux Théophile, et nous essayons de regagner l’arrière du bateau sans passer par dessus bord. Nous venons de découvrir à quel point l’inévitable effet venturi du vent entre les îles du Cap Vert peut être soudain et violent. On se fait bien secouer, mais on avance bien vite aussi. On dépasse les îlots de Raso, Branco et Santa Luzia, puis arrivons rapidement sur Sao Vincente.

Nous contournons le nord de l’île et les versants abrupts des montagnes qui se jetttent dans la mer, pour rejoindre Mindelo, bien abritée au fond d’une baie. La mer se calme mais le vent continue de souffler. Annette et Marc nous ont gardé un emplacement à côté de Lady A et nous guident depuis le bout du ponton, à grand renfort d’agitation de bras. Nous sommes tellement heureux de les retrouver enfin, même si ce n’est que pour une courte soirée : ils larguent les amarres demain. Beaucoup d’autres bateaux-copains sont déjà à quai : Modus, Vagabon, Alexïc (que nous n’avons pas vu depuis les Canaries), les incontournables belges de  Noix de Cajou… et Essentiel, qui part pour la transat pendant que nous nous amarrons ! Nous avons juste le temps d’échanger quelques mots au vol. Les enfants sont très déçus, ils attendaient de revoir Elliot et Loïg depuis septembre dernier…

Mindelo est une escale tout à fait étonnante : tous les bateaux à quai sont sur le départ, partout les équipages bricolent, courent, fignolent les détails, s’entraident… Des empilages de bidons d’eau et de coca encombrent les pontons devant les bateaux, un incessant va et vient de cartons, régimes de banane et autres victuailles animent la marina. Les journées sont entrecoupées par les départs : on va aider pour larguer les amarres, on prend les photos, on agite les mouchoirs… le cned a bien du mal à avancer !!

La ville est très attachante, pour peu qu’on ait le temps d’y balader. Ce qui nous est malheureusement bien difficile : le bateau demande beaucoup de préparation et l’école achève de nous bloquer. Les enfants ne font que des évaluations et craquent un peu, je ne fais que la maitresse et craque un peu, Manu ne fait que bricoler et craque un peu. En plus il fait un temps affreux… Youpi youpla.

Mais Jack et Zizi viennent nous sauver de notre dépression et donner à cette escale beaucoup de la chaleur cap verdienne. Jack nous enlève pour un petit tour de l’île (tellement belle !) avant d’aller diner dans leur jolie maison, un peu en dehors du brouhaha de la ville. Les enfants sont heureux d’avoir soudain autant d’espace pour courir et jouer : ils font de bruyantes parties de ballon avec Luis. Jack nous a préparé un traditionnel midje em grao et nous nous en régalons en pensant très fort à Tatu et Isa !! Quel délice. La soirée est merveilleuse. Zizi chante la morna et le temps suspend son vol. Pourquoi faut-il déjà partir pour les Caraïbes ? Pourquoi ne pas fêter Noël ici ?? On a envie de poser nos valises. Zizi nous offre son disque, nous pourrons encore rêver à bord en repensant à toutes ces belles étapes cap verdiennes.

Le beau temps revient peu à peu et les préparatifs avancent tranquillement (installation du nouveau pilote et paramètrages, vidanges des moteurs, changement des filtres et tout le bazar qui va avec, protection des haubans, vérification du gréement, passage d’une drisse supplémentaire dans le mât … et 23 évaluations à gérer…). Faute de temps, nous prenons la sage (mais douloureuse) décision d’annuler l’excursion sur Santo Antao, la plus belle île de tout le Cap Vert (c’est dire si c’est dommage !). Théophile (petit filou !) arrive quand même à s’y échapper avec les équipages du Bubu et de Losadamo. Nous repoussons aussi notre départ de 24 heures, histoire de ne pas reprendre la mer dans le speed.

Mardi 6 décembre : arrivée de Tonton Doumé ! C’est la fête !! Nous allons en délégation l’accueillir à l’aéroport . C’est un bonheur de retrouver un petit bout de famille, après ces longs mois loin de la smala. Malgré sa fatigue et le décalage horaire, nous le trainons avec les copains au Club Nautico (étonnant bistrot sans toit, repaire de marins d’eau douce et de navigateurs de tous poils), déguster une caperina (rhum, sucre et citrons !! miam miam) et grignoter un (mauvais) burger en écoutant de la musique live.

La dernière journée à l’est de l’atlantique passe en un éclair. Tout est à finir, et c’est ce qu’il y a de pire…  Chacun s’active pour que le bateau et l’équipage soient fin prêts à appareiller demain aux aurores, dans la joie et la bonne humeur. Il faut courir les épiceries et les marchés pour trouver de quoi survivre pendant 2 bonnes semaines : 20 paquets de pâtes d’un côté, 3 paquets de céréales de l’autre, quelques légumes frais… mais pas de viande, ni de fromage, ni de plein de trucs (pourvu que les poissons mordent à l’hameçon, sinon je crains une mutinerie alimentaire !). Nos errances dans Mindelo sont de vrais bonheurs de découvertes et de rencontres dont on ne se lasse jamais. Tout le Cap Vert nous aura vraiment charmé et c’est avec regret que nous le quitterons demain.

A 16 heures, après de longues journées à batailler ferme, je colle la dernière enveloppe du cned et me précipite à la poste… qui vient de fermer. Je contourne vite le bâtiment et attrappe au vol une des préposées qui s’en va. Devant ma mine dépitée, elle s’arrange avec le gardien pour retourner à son guichet et s’occuper de peser et timbrer notre précieux Graal. Les Cap Verdiens sont vraiment d’authentiques gentils.

Côté technique c’est la même course contre la montre. Doumé est jeté dans les cales moteur dès le matin et s’arrose allègrement de gasoil en essayant de changer les satanés préfiltres… Ils ont à peine le temps avec Manu d’aller faire un dernier tour en ville avant la nuit. On imaginait pourtant naïvement pouvoir aller flaner dans les rues pendant des heures. On va finir par croire que les journées ont été raccourcies sans qu’on nous prévienne. Quel scandale !

Il fait nuit quand on attaque le lessivage du pont, ça devient une habitude. Après des jours d’un vent de nord-ouest chargé d’une fine poussière noire, Zanzibar mérite un énergique coup de balai brosse. Pour le reste, on avisera en navigation : pas de temps à perdre en rangement et serpillère. Et puis ça a un petit côté aventurier, ce bazar omniprésent !

Les enfants sont surtout occupés à trainer avec les copains avant la longue séparation de la traversée. Le Bubu part en même temps que nous et nous devrions pouvoir rester en liaison radio pendant une partie du voyage. Nous ferons route sur la Barbade, que nous devrions atteindre dans 15 à 20 jours, selon les conditions météo que nous rencontrerons. A 3 équipiers, les quarts vont être plus faciles et plus sympas ! Le programme du cned va être adapté aux contraintes de navigation (surtout de l’oral, des révisions, du calcul mental et des conjugaisons..) afin que chacun profite à son rythme de cette expérience si particulière. On se rattrapera pendant les vacances de Noël !

Vos messages vont nous manquer et il nous tardera certainement d’arriver (d’autant que nous n’avons pas eu le temps de répondre à tous vos mails depuis Mindelo). Le temps semblera peut être long par moment, mais j’espère que nous aurons la patience de nous laisser vivre tranquillement au fil de l’eau (et aussi que nous ne seront pas secoués comme des malheureux, que nous n’aurons pas d’orage, pas de vilaines dépressions, pas de ris à prendre en pleine nuit, pas de brouillard, pas de soucis !!).

Difficile de réaliser que nous partons demain pour 2000 milles nautiques : c’est la distance que nous avons parcourue depuis que nous avons quitté Sète, il y a 2 mois et 4 jours ! Il nous semble être arrivés là presque par hasard, sautant d’îles en îles, d’archipel en archipel. Et maintenant on va traverser l’océan, vivre l’émotion d’une première transat, une merveilleuse parenthèse.  Doucement va loin !…

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10 commentaires pour 30 novembre – 07 décembre 2011 – Sao Vincente

  1. ges-vernier dit :

    Nous esprons que vous allez bien.
    Nous vous souhaitons un très bon Noel.
    La question de Guillaume est : « comment va faire le Père Noël pour allé sur l bateau ????
    Bon vent et bravo encore pour votre courage… et votre bonne humeur….

    La Famille Ges-Vernier

  2. Evelyne Guyot dit :

    coucou Isa,

    incroyable de lire comment vous êtes minutés même dans ce voyage…la vie est faite d alternance n est ce pas…des projets, des creux, des coups de frein, des coups d accélérateur. Exactement comme sur …un bateau!! bon vent , pas trop, pas trop peu et comme on dit aux Antilles « kimbé raid pas moli »! Evelyne

  3. maurizot dit :

    bon vent au plaisir de vous lire mille bises! magali fabrice alice simon lucien et louise

  4. ges-vernier dit :

    Merci donner de vos nouvelles…
    Grâce à vous les enfants posent beaucoup de questions et nous suivant votre voyage sur le globe de Pierre-Louis et nous faisons des recherches donc nous apprenons pleins de choses.
    Ou serez-vous à Noel ? Et au nouvel An ?
    Bon vent pour la suite et bravo pour votre courage.
    A très bientôt.

    La Famille Ges-Vernier

  5. Pascale dit :

    Je viens vous souhaiter une trés belle traversée…je pense que bien d’entre nous vont attendre avec impatience tes nouveaux récits.
    je vous embrasse tous les 5 trés fort et à trés bientôt de vos nouvelles.

  6. moulhade dit :

    coucou alors ca y est vous allez quitter le continent africain, vous ferez une bise à Doumé , je vois que les enfants sont détendus de chez détendus . Manu tu grisonnes un petit peu de la barbe (les aventures cela fait grandir) . Isa on t’aperçoit sur une photo un peu sombre mais on te voit quel pied !!! Ces capverdiens ont vraiment l’air extra. on vous souhaite une très belle traversée. Vous allez nous manquer vivement le Barbade pour recommuniquer. Mille bises

  7. Monique PELLETIER dit :

    Alors ça y est ! LE GRAND JOUR est arrivé !!!!!!!
    Bien évidemment, je (nous) suivrons votre trajet sur Google Earth avec avidité, trouvant qu’un relevé toutes les 8 heures ça ne vient pas vite.
    EN TOUS CAS, merci mon Isa d’avoir pris le temps (sur ton sommeil et alors que tu as mille choses à faire encore) pour terminer ta narration côté EST ATLANTIQUE.
    Je vois aussi que Doumé a vite été mis dans le bain (de gasoil? non. Je pense au ti-punch local) dès son arrivée…
    Bien des choses à ceux du BUBU
    Et à ZANZIBAR et son équipage :
    A BIENTOT A LA BARBADE

  8. GIGOUT MARTINE dit :

    VOUS ARRIVEZ A LA VEILLE DE LA GRANDE TRAVERSEE ET NOUS VOUS SOUHAITONS UN BON VOYAGE, PLEIN DE DECOUVERTES ET D’AVENTURES. EN TOUT CAS, VOUS NOUS DONNEZ L’ENVIE DE VISITER L’ARCHIPEL DU CAP VERT, CELA PARAIT TRES SYMPATHIQUE.BON VENT ET BONNE NAVIGATION. BISOUS MARTINE ET JOEL

  9. DOS-SANTOS Magalie dit :

    Coucou Isa, manu et les enfants, c’est Magalie, je viens vous souhaiter une belle et douce traversée, ça va me faire bizarre de ne plus te lire Isa, tu écris si bien, tu racontes si bien les histoires… A mon avis de retour tu devrais trouver un éditeur !!!! Je trouve que vous menez formidablement bien cette aventure, Je vous embrasse bien fort tous les 5. A très bientôt. Au plaisir de vous lire encore. Bisous. Magalie.

  10. Michel Kimmel dit :

    Qu’ils ont l’air heureux, les enfants !!! Bon le CNED doit grimacer, mais ils auront appris tellement d’autres choses qui ne s’enseignent pas…
    Alors, Bon vent au Zanzibar, belle traversée, bonne pêche !
    Kim de Bouzigues

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